Quel est votre ressenti sur la situation actuelle dans la viticulture ?
Il va vraiment falloir que ça change
vite. La situation devient critique.
Beaucoup d'exploitations, même
bien gérées, sont en grande difficulté. Ce n’est pas forcément une
question de mauvaise gestion, mais
de marché. Les caves sont pleines,
et la consommation de vin est en
baisse. Les trésoreries sont tendues,
certaines exploitations ont déjà de
gros problèmes financiers. On voit
bien que ça ne pourra pas continuer
comme ça longtemps.
Quelles sont les autres difficultés
auxquelles vous faites face ?
En plus des soucis économiques, il y
a des normes environnementales de
plus en plus strictes. Elles sont nécessaires, mais c’est compliqué de produire tout en respectant toutes ces
exigences. Et puis il y a la concurrence, entre nous en France, mais
aussi avec d'autres pays européens.
La compétition est rude et souvent
déséquilibrée. Cela dit, je pense que
la situation pourrait s'améliorer.
Pensez-vous que des annonces
gouvernementales pourraient
aider à redresser la situation ?
Je reste prudent. Il est possible que
des décisions politiques soient prises
rapidement, mais je doute qu’elles
aient un impact à court terme. Il faudrait du courage politique pour vraiment changer les choses. Ce gouvernement, ou ceux qui le suivent,
doivent agir vite. Il y a des mesures à
prendre, mais le temps presse.
Y-a-t-il des solutions selon vous ?
L’arrachage a déjà commencé, et certains peuvent s'inscrire. Cela pourrait
permettre à certains viticulteurs de
réduire leur surface ou d’arrêter complètement. Mais on nous demande
souvent de diversifier les cultures, et
ce n’est pas évident. Dans le Vaucluse,
par exemple, les cultures alternatives
ne sont pas toutes viables. Le maraîchage ou l’arboriculture, sans irrigation généralisée, c’est compliqué. Et
puis d'autres filières, comme le lavandin, sont saturées. On manque de
solutions viables à long terme.
Quelles seraient, selon vous, les
mesures à prendre pour améliorer
la situation ?
Il faudrait peut-être encourager ceux
qui sont proches de la retraite à arrêter, et permettre à ceux qui souhaitent réduire leur surface de le faire.
Personnellement, je pratique la polyculture, mais j’ai cette chance d'avoir
des parcelles irriguées. Ce n’est pas le
cas de tout le monde. Il est difficile de
trouver une solution universelle. On
ne pourra pas abandonner la vigne,
elle fait partie de notre identité et de
notre culture. Mais la solution, même
à court terme, est complexe.
Comment voyez-vous l'avenir pour
les jeunes viticulteurs ?
C’est là où ça devient inquiétant.
Beaucoup de jeunes, même ceux
qui se sont installés récemment, sont
déjà en difficulté. Ils ont investi, ils ont
des crédits à rembourser, et les problèmes de trésorerie s'accumulent.
Certains risquent de devoir arrêter,
ce qui serait un véritable gâchis. On
parle souvent du vieillissement des
agriculteurs, mais on oublie qu'il y a
aussi des jeunes qui quittent la profession, parfois avant d'avoir 50 ans.
Ils sont passionnés, investis, mais on
pourrait les perdre.
Pensez-vous que la nouvelle
génération peut encore trouver
sa place ?
Oui, heureusement, il y a encore des
jeunes motivés qui veulent essayer.
Ils sont indispensables pour l’avenir
de notre métier. Mais il ne suffit pas
d’avoir des candidats, il faut aussi que
les conditions changent. On verra
ce qui sera annoncé, mais je crains
que ce ne soit pas suffisant si on ne
change pas rapidement les choses.